Ribose et impact sur la performance sportive

Depuis quelques années déjà, le milieu sportif porte un grand intérêt au ribose, un sucre vendu comme complément alimentaire.

Les raisons d’un tel succès ? Dans les années 80-90, des chercheurs ont montré qu’une supplémentation en ribose pouvait améliorer la qualité de vie et la performance physique de patients atteints de maladie cardiaque chronique (10, 11, 13, 16, 24). Depuis, ces vertus ont été extrapolées aux sportifs sains et l’industrie pharmaceutique le décrit désormais comme un complément alimentaire capable d’augmenter la performance physique ou encore comme antioxydant naturel (2).

Mais ces allégations, largement utilisées par l’industrie pharmaceutique, sont-elles scientifiquement justifiées ?

Physiologie et métabolisme du ribose

Le ribose est un pentose (C6H10O5) à 2 isomères : L-ribose et D-ribose. Seul ce dernier possède des propriétés biologiques. C’est donc cet isomère, issu du sirop de maïs, qui est commercialisé sous forme de poudre, de capsule ou même de gomme à mâcher. Le ribose peut aussi se trouver en faible quantité dans l’alimentation ou être synthétisé dans l’organisme à partir du glucose (2).

Après ingestion, le ribose est absorbé par le petit intestin. Parvenu dans les cellules, il est alors soit recyclé en glucose (voie des pentoses phosphate), soit incorporé dans de grosses molécules biologiques telles l’ARN, l’ADN ou encore l’ATP (3,15).

Effet sur la performance

Le ribose participe à la formation de l’ATP, molécule qui fournit l’énergie nécessaire à la contraction musculaire en donnant notamment de l’ADP et de l’AMP.

            Pi                  Pi

ATP           ADP              AMP

         Energie        Energie

Toutefois, en conditions normales, la formation d’ATP ne nécessite pas de molécule supplémentaire de ribose car celle-ci peut être reconstituée à partir de l’ADP ou de l’AMP via des systèmes énergétiques variés tels que le système PCr – Cr. De plus, le ribose ne participe pas directement au stockage et à la libération d’énergie mais est plutôt considéré comme un support pour les phosphates de cette molécule, au même titre que l’adénine. Pour ces raisons, la quantité de ribose disponible dans l’organisme n’est pas toujours un facteur limitant pour la production d’énergie à partir d’ATP (2).

Par contre, quand la demande énergétique devient très élevée, l’équilibre est perturbé et le pool cellulaire des nucléotides à adénosine s’amenuise. De nouvelles molécules d’ATP sont alors formées à partir de ribose et d’adénine (12).

Dans ces conditions d’exercice intense, Hellsen et al. (6) ont montré qu’une supplémentation en ribose se traduisait par une reconstitution plus rapide du pool d’ATP alors qu’une réplétion complète peut nécessiter normalement jusqu’à 3 jours (5).

L’accélération de la resynthèse de l’ATP avec ribose s’accompagne-t-elle pour autant d’une augmentation de la performance ?

La plupart des auteurs se sont attachés à étudier l’effet d’une supplémentation en ribose lors d’exercices anaérobies et de force. Une seule étude concerne l’effet d’une telle supplémentation sur la performance d’un exercice endurant sur rameur (4).

Par contre, les protocoles expérimentaux et le type de supplémentation utilisés sont très variables d’une étude à l’autre. Ces études et leurs résultats sont résumés dans le tableau I ci après.

Tableau I : effet d’une supplémentation en ribose sur la performance physique

Auteurs

Date

Population

Type de
supplémentassion

Placébo
utilisé

Type d’exercice
 réalisé lors de l’entraînement

Type de protocole
 réalisé

Type de tests
 réalisés

Effet sur la
 performance

Op’t Eijnde
et al.

2001

20 hommes peu
entraînés

4* 4 g  /jour
 pendant 6 jours

Malto-
dextrines

Contractions isométriques
 du genou

Pré-test puis entraînement 2 fois/jour pendant 6 jours . Post-test le 7ème jour .

2 séries de 15 * 12 extensions maximales du genou .

Pas de différence significative entre l’augmentation de la force du genou du groupe supplémenté et celle du groupe placébo

Van Gammeren
et al.

2002

20
 bodybuilders

10 g /j pendant
4 semaines

Dextrose

Soulever
une presse

Pré-test puis entraînement pendant 4 semaines à raison de 3 jours d’exercice suivi d’un jour de repos. Post-test.

Mesure de la force maximale développée en 1 répétition puis de la
 puissance totale dévelopée pendant 10 répétitions

La force dévelopée et le travail total réalisé étaient significativement plus élevé après entraînement dans le groupe avec ribose

Berardi et al.

2003

8 anciens
 cyclistes

4 * 8 g
 en 36 h

Cellulose

/

Pré-test puis supplémentation pendant 36 h
suivi d’un post-test

Test de Wingate : 2 * 6 sprints de 10 s

Pour l’ensemble des sprints, la puissance moyenne et la puissance maximale ne sont pas significativement plus elevées après supplémentation

Kreider et al.

2003

19 hommes
entraînés

 2 * 5 g /jour
 pdt 5 jours

Dextrose

Exercices divers de musculation

Pré-test avant une supplémentation
de 5 jours suivie d’un post-test.

Test de wingate : 2 séries de sprints de 30 s

Après entraînement, les puissances maximales et moyennes ne sont pas différentes entre les 2 groupes. Seul, le travail total lors du 2nd sprint du post-test est plus élevé dans le groupe avec ribose

Hellsten et al.

2004

8 hommes

200 mg/kg pds/j pdt 3 jours

Malto
dextrines

Sprints
sur ergocycle

Pré-test suivi de
7 jours d’entraînement puis supplémentation pendant 3 jours suivie d’un post-test.

Test de Wingate  : 3 sprints de 30 s

Après entraînement, pas d’augmentation significativement de la puissance
 maximale ou moyenne du groupe ribose par rapport au groupe placébo

Kerksick et al.

2005

12 cyclistes
 modéremment entraînés

3 g avant le 1er et 3 g après le 3ème sprint

Malto-
dextrines

/

5 sprints
de 4 sprints

 Test de Wingate : sprints de 30 s

Pas d’effet positif du ribose sur la baisse de la puissance maximale et moyenne au cours des sprints

Peveler et al.

2006

4 cyclistes, 5 sportifs
 entraînés en force

625 mg
 30 ‘ avant le test

Farine de blé

/

Pas d’entraînement mais un test unique

Wingate test : 3*30 s avec
2′ repos entre

Pas d’effet significatif de la supplémentation sur la puissance
 maximale ou moyenne

Dunne et al.

2006

31 femmes
pratiquant l’aviron

2*10 g/j pdt 8 semaines

Dextrose

Exercice de
 rameur

Pré-test puis 8 semaines
 d’entraînement suivi d’un post test

Mesure de la performance
d’un exercice de 2000 m sur rameur

La performance est moins bonne avec le ribose

 

Quelles que soient les doses de ribose utilisées (qui sont en général équivalentes ou supérieures aux recommandations des industriels), le type de supplémentation (dose unique ou répétée), le type d’exercice anaérobie (extension du genou ou ergocycle), le type de placébo (dextrose, maltodextrines, cellulose ou farine de blé) ou encore le protocole expérimental, la majorité des études n’ont pu mettre en évidence d’effet significatif d’une supplémentation en ribose sur la performance physique lors de ce type d’exercice (1, 6, 7, 8, 9, 12).

Seuls Van Gammeren et al. (15) ont pu observer un effet ergogénique du ribose lors d’exercices sur presse de musculation. Toutefois, ces résultats sont discutables car cette étude n’a pas été conduite en double aveugle et les populations composant les 2 groupes étudiés étaient assez hétérogènes.

Conclusion

Si les effets positifs du ribose sur la performance et les symptômes de patients atteints de maladie cardiaque sont bien démontrés (10, 13, 17, 18), d’après les données actuelles, il n’existe pas de consensus montrant un effet ergogénique du ribose chez les sportifs sains. Cependant, par rapport à l’engouement suscité par cette molécule dans le monde sportif, il n’existe proportionnellement que peu d’études scientifiques. Il pourrait être intéressant de multiplier les protocoles expérimentaux afin d’obtenir une vision plus large des effets du ribose.

D’après les données disponibles, les sportifs n’ont donc pas d’intérêt à se supplémenter en ribose d’autant plus que des effets secondaires liés à une consommation excessive de ce sucre ont pu être observés (diarrhée, nausées ou encore hypoglycémie chez le diabétique) et qu’il s’agit d’un complément assez couteux (environ 200 €/kg).

 

 BIBLIOGRAPHIE

1.                  Berardi J.M., T.N. Ziegenfuss. Effects of ribose supplementation on repeated sprint performance in men. J. Strengh Cond. Res. 17(1) :47-52, 2003

2.                  Dhanoa T.S., J.A. Housner. Ribose: more than a simple sugar ? Curr. Sports Med. Rep. 6 (4) : 254-7, 2007

3.                  Dodd S.L., C.A. Johnson, K. Fernholz, J.A St Cyr. The role of ribose in human skeletal muscle metabolism. Med. Hypotheses. 62, 819-824, 2004

4.                  Dunne L., S. Worley, M. Macknin. Ribose versus dextrose supplementation, association with rowing performance: a double-blind study. Clin. J. Sport Med. 16(1) : 68-71, 2006

5.                  Hellsten-Westing, Y., B. Norman, P. D. Balsom, and B. Sjodin. Decreased resting levels of adenine nucleotides in human skeletal muscle after high-intensity training. J. Appl. Physiol. 74(5): 2523-2528, 1993.

6.                  Hellsten, Y., L. Skadhauge, J. Bangsbo. Effect of ribose supplementation on resynthesis of adenine nucleotides after intense intermittent training in humans. Am. J. Physiol. Regul. Integr. Comp. Physiol. 286 : R182-R188, 2004

7.                  Kreider R.B., C. Melton, M. Greenwood, C. Rasmussen, J. Lundberg, C. Earnest, A. Almada.  Effects of oral D-ribose supplementation on anaerobic capacity and selected metabolic markers in healthy males. Int. J. Sport Nutr. Exerc. Metab. 13(1) : 76-86, 2003

8.                  Kerksick C., C.Rasmussen, R. Bowden, B. Leutholtz, T. Harvey, C. Earnest, M. Greenwood. Effects of ribose supplementation prior to and during intense exercise on anaerobic capacity and metabolic markers. Int. J.Sport Nutr. Exerc. Metab. 15(6) : 653-64, 2005

9.                  Op’t Eijnde B., Van Leemputte M., Brouns F., Van Der VusseG.J., Labarque V., Ramaekers M., Van Schuylenberg R., Verbessem P., Wijnen H., P. Hespel. Noeffects of oral ribose supplementations on repeated maximal exercicse and de novo ATP resynthesis. J. Appl. Physiol. 91 : 2275-2281, 2001.

10.              Patten B.M. Beneficial effect of D-ribose in patient with myoadenylate deaminase deficiency. The Lancet, May : 1071, 1982

11.              Pauly, D.F. and C.J. Pepine. D-ribose as a supplement for cardiac energy metabolism. J. Cardiovasc. Pharmacol. Therapeut. 5:249-258, 2000.

12.              Peveler W.W., P.A. Bishop, E.J. Whitehorn. Effects of ribose as an ergogenic aid. J. Strength Cond. Res. 20(3):519-22, 2006.

13.              Pliml W., T. Von Arnim, A. Stablein, H. Hofmann, H.-G. Zimmer, E. Erdmann. Effects of ribose on exercise-induced ischaemia in stable coronary artery disease. Lancet 340: 507 – 510, 1992.

14.              Segal S., J. Foley. The metabolism of D-ribose in man. J. Clinical Invest. 37: 719 – 735, 1958.

15.              Van Gammeren D., D. Falk, J. Antonio. The effects of four weeks of ribose supplementation on body composition and exercise performance in healty, young, male recreational bodybuilders: A double-blind, placebo controlled trail. Cur. Therapeut. Res. 63(8) : 486-495, 2002

16.              Wagner D.R., U. Gresser, N. Zollner. Effects of oral ribose on muscle metabolism during bicycle ergometer in AMPD deficcient patients. Ann. Nutr. Metab. 35 : 297-302, 1991

17.              Zollner N., S. Reiter, M. Gross, D. Pongratz, C.D. Reimers, K. Gerbitz, I. Paetzke, T. Deufel, G. Hubner. Myoadenylate deaminase deficiency: Succesful symptomatic therapy by high dose oral administration of ribose. Klin. Wochenschr. 64:1281-1290, 1986

Glossaire

ADN : Adénosine désoxyribonucléique

AMP : Adénosine mono-phosphate

ARN : Adénosine ribonucléique

ATP : Adénosine tri-phosphate

PCr-Cr : phosphocréatine-créatine

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